Tribune franco-allemande des Parcs, Jardins et Monuments Historiques – Deutsch-Französisches Park-, Garten- und DenkmalMagazin

Destin d’abbayes en France et en Allemagne (1)

Un prieur au chevet de son abbaye 

 

Le père Elie, prieur de l’abbaye d’Ourscamp (Oise, au nord de Paris), suit de près les travaux de restauration de son monastère. L’abbaye, fondée au XIIe siècle par des Cisterciens, a été en grande partie démolie après la Révolution. Seule une partie du choeur de l’ancienne abbatiale est conservée. Une communauté religieuse s’est installée sur place pendant la Seconde Guerre mondiale. Les frères utilisent donc pour leurs offices l’ancienne infirmerie transformée en chapelle, du XIIIe siècle. L’aile de Lorraine, bâtiment conventuel du XVIIe siècle, souffre également des dommages du temps.

Selon vous, pourquoi faut-il restaurer ce lieu ?
Tout simplement parce que c’est une abbaye vivante. Je crois que c’est la seule du nord de la France dans ce cas. Les autres abbayes actives ont été reconstruites au XIXe siècle. Nous, nous avons la seule abbaye historique qui compte actuellement une présence monastique. Et nous avons besoin de locaux. Après, nous ne voulons pas forcément reconstruire les ruines du choeur. Mais les embellir, ou du moins les préserver.
Quant à la chapelle, c’est un bâtiment unique en Europe. Il n’existe pas d’autre infirmerie cistercienne du XIIIe siècle. Elle est d’une facture tout à fait exceptionnelle. Des archéologues américains ont fouillé chez nous, ils considèrent qu’il s’agit d’un bâtiment unique.

Quels travaux sont à faire ?
Tout d’abord, l’aile de Lorraine, bâtiment de 60 mètres de long et datant du XVIIe siècle, va être dotée d’un toit provisoire. Elle avait été restaurée dans les années 1940, mais cela n’a jamais été terminé. Depuis, le bâtiment est soumis aux intempéries, d’où ce toit provisoire plat. L’appel d’offre a été fait, nous allons bientôt découvrir les proposition. Le coût total devrait être de 65 000 euros. Nous recevons pour cela des subventions de l’Etat, puisqu’il s’agit d’un monument historique. Le calendrier des travaux dépendra des disponibilités de l’entreprise choisie. J’espère que ce sera vite fait, au printemps ou à l’été.
Quant à l’infirmerie, il s’agit d’un bâtiment unique. Avec des murs du XIIIe siècle. A l’intérieur, il y a juste un badigeon d’ocre jaune et de faux joints blancs. Comme il s’agit d’une facture du XIIIe siècle, il faut absolument la préserver. De plus, c’est aussi un monument culturel, dans lequel se déroulent des concerts. Pour cette salle, on attend depuis longtemps. Une première étude avait déjà été présentée, mais les Monuments historiques ont demandé de l’approfondir. Les travaux coûteraient 500.000 à 600 000 euros. Nous avons prévu une campagne en trois temps : le sol, les peintures et le chauffage.

Eprouvez-vous des difficultés à réunir les fonds nécessaires aux travaux, malgré les subventions au titre des Monuments historiques ?
Nous recevons effectivement des subventions, mais elles ne couvrent pas tout. En général, 75 à 80 % des fonds proviennent du Conseil général et de l’Etat. Le reste est à la charge du propriétaire. Pour l’aile de Lorraine, nous disposons de quelques petites réserves, et les travaux ne représentent pas des sommes extraordinaires, donc ça va. Mais pour la chapelle, nous avons fait appel à la Fondation du patrimoine, donc un appel au don de collectivités locales, territoriales, ou encore à des entreprises comme GDF, qui a donné pour les vitraux. Ce n’est pas simple à trouver, cela prend parfois des années. Même pour l’Etat, pour débourser des centaines de milliers d’euros, il faut du temps. Par exemple, le toit de la chapelle a coûté plus d’un million, soit deux campagnes de 500 000 euros.

Propos recueillis par Bénédicte Weiss, journaliste, diplômée d’histoire et d’histoire de l’art

Pour de plus amples informations sur l’histoire de l’abbaye : www.serviteurs.org/Histoire-de-l-Abbaye-Notre-Dame-d-Ourscamp
Pour suivre l’avancée des travaux : renovourscamp.free.fr

Photos:  Bâtiments conventuels : à droite, on aperçoit l’aile de Lorraine
chapelle, extérieur et intérieur

 

 

Ein Prior betet für seine Abtei

 

Prior Elie der Abtei Ourscamp (Oise, nördlich von Paris) kümmert sich um die Restaurierung seines im 12. Jahrhundert gegründeten Zisterzienser-Kloster. Die Revolution zerstörte es bis auf einen Chorrest. Während des Zweiten Weltkriegs zog wieder eine Brudergemeinschaft ein. Der ehemalige Krankensaal – ursprüngliche Bauzeit 13. Jh – wird für die Messen genutzt. Dort, aber auch im Konvuten- Lothringen-Flügel (17. Jh.) nagt sichtbar der Zahn der Zeit. Für den Pater steht die kostenspielige Restaurierung außer Frage: seine Abtei sei zum einen aktiv zum andern wohl die einzige wirklich historische in Nordfrankreich, die aus der Zeit vor dem 19 Jh. stammt und nicht, wie andere, im 19. Jh. wieder aufgebaut wurde. Eine vollständige Restaurierung der Chorraumes ist in seinen Augen nicht zwingend, wohl aber eine Verschönerung. Einzigartig sei die Kapelle mit dem wohl einzigen Zistersienser- Krankensaal aus dem 13. Jh, für den sich schon amerikanische Archäologen sich begeistert hätten. Erste Baumassnahmen betrifft die Dachdeckung des 60 m langen Lorraine-Flügel, die zwar schon 1940 begonnen, aber nie fertiggestellt wurde. Da die Abtei unter Denkmalschutz steht (Monument Historique) wird der Staat einen Teil der Ausgaben übernehmen. Voraussichtlich soll im Frühjahr oder Sommer 2013 mit den Arbeiten begonnen werden. Auch die ockerfarben ausgewaschenen Innenräume der Kapelle bedürfen der Auffrischung zumal der Ort als Konzertsaal dient. Die Gesamtkosten der Arbeiten an der Kapelle werden auf 500.000 bis 600.000 € geschätzt. In drei Bauetappen soll hier vorgegangen werden: vom Fussboden, über die Malerei bis hin zum modernen Heizsystem. Im Allgemeinen übernehmen der Conseil Général (Region) und der Staat ungefähr 75 bis 80% der Kosten, sofern das Gebäude als MH in der Denkmalschutzklassifikation eingetragen ist. Für den Rest muss der Besitzer aufkommen. Im Falle des Lothringen-Flügels können die Brüder aus ihrer Reserve schöpfen, für die Kapelle wandten sie sich an die französische Stiftung für Denkmalschutz (Fondation du Patrimoine), die lokale oder territoriale Unternehmen wie z.B. GDF, das für die Kirchenfenster aufkam, um Spenden bittet. Gelder einzutreiben, brauche manchmal Jahre, so der Prior. Auch beim Staat, der nur etappenweise finanziert. Allein die bisher geleistete Dacheindeckung der Kapelle kostete eine Million, die sukzessive mit zwei Sponsoringkampagnen von jeweils 500.000 € finanziert wurde. (Red.)

 

L’abbaye et le pèlerin

 

L’abbaye d’ Ourscamp est aussi un lieu d’ accueil et d’écoute pour ceux qui cherchent paix et conseil, dans le doute de la vie ou de leur foi. On y vient seul ou en groupe. Monumentum Nostrum a récueilli un témoignage illustrant l’importance de tels lieux pour le monde et le pèlerin d’aujourd’hui. 

Die Abtei Ourscamp dient auch jenen Menschen als Zufluchtsort, die am Leben oder an ihrem Glauben zweifeln. Alleine oder in Gruppen können die Pilger hier einkehren. Monumentum Nostrum hat eine Pilgerin gebeten, die Bedeutung solcher Zufluchtsorte für den Menschen und die Welt von heute darzustellen. Der Essay wird nicht übersetzt. Es sei denn, ein geneigter Leser möchte es versuchen. (MoNo)

 

Mystères d’une abbaye

Etrange nom pour une abbaye… guttural, rude, il râpe le palais. Et pourtant l’élégance simple et altière d’Ourscamp accroche le visiteur dès qu’il pénètre dans l’enceinte de ce lieu paisible et habité. Habité par qui ? Par l’Esprit qui y plane, diffusant une présence indéfinissable ; et par une communauté de moines, tournée vers la prière et le sacré, bien sûr, mais aussi vers la vie profane, celle de chaque hôte de passage, qui vient y faire halte, et trouver, le temps d’une messe, d’une journée, d’un week-end, d’une retraite, les forces et les ressources pour continuer sa vie.

Une vaste pelouse égayée aux beaux jours par des groupes divers et chamarrés précède l’accès à l’imposant bâtiment principal, où se déroule la vie conventuelle. Elle est ceinte sur toute la longueur de son coté gauche par une vaste aile aménagée en logements. Voilà ce qu’Ourscamp donne à voir à celui qui franchit ses murs ou la dévisage depuis la grille en fer forgé. Mais elle recèle des trésors auxquels le visiteur n’accède qu’en s’engageant plus avant dans la découverte de son âme.

Un passage menant vers l’église perce le bâtiment conventuel. Là brusquement, l’œil est saisi, le regard s’envole dans les hauteurs, à travers les arches en plein ciel de l’ancienne abbatiale. Les frontières entre la terre e t l’au-delà se dressent, matérialisées par ces voûtes célestes, légères et élancées. Ces ruines dégagées, illuminées à la nuit, ont trouvé une nouvelle jeunesse et dessinent dans le ciel des arabesques ouvertes sur les mystères de l’être.

Passage initiatique entre le monde terrestre et celui de l’esprit, elles conduisent à l’ancien hôpital, rénové par la communauté religieuse, et aménagé en église. C’est là  que s’élève cinq fois par jour la prière des moines, qui rythme les jours. Les psaumes montent vers le ciel, chantés par des voix d’hommes, profondes et nues, à l’image du lieu qui les accueille. Pierres dépouillées, lumière épurée, filtrant à travers des vitraux clairs…Au sol des carreaux de terre cuite aux dessins en croix, où joue à l’infini le regard… Sur le coté, une statue de la vierge nous inonde de sa douceur et de sa tendresse. Un rayon de soleil la caresse, et quelques fleurs ornent ses pieds.
Paix du corps, de l’âme et de l’esprit.

Bénédicte de la Villegeorges, Géographe, Pèlerin