La ressource principale se trouve dans les communs – la Galerie Capazza une aventure historique solognote
Elle avait 17 ans et demi, lui une bonne dizaine d’années de plus. Il était à sa deuxième aventure en matière artistique, elle y faisait ses premiers pas. Et puis dans le pays romancé d’Alain Fournier et du « Grand Meaulnes », un notaire leur propose une nouvelle bâtisse à la vente. « Je n’ai même pas les moyens de payer un loyer », se défend Gérard Capazza, d’origine Corse, mais attaché à Vierzon où il a grandi. Le notaire insiste. Après un entretien, il se porte garant auprès de la banque et l’aventure de la Galerie Capazza commence. A Nançay, le couple signe avec les propriétaires, les Barbellions, châtelains voisins, un bail emphytéotique, garant sur trois générations. Gérard surveille seul un chantier colossal s’étalant sur trois ans pendant que son épouse suit des études de comptabilité pour être à la hauteur de la tâche.
Le résultat est une renaissance d’un « ancien grand corps de logis des Ecuyers » aux origines du 17ème siècle et
d’une beauté saisissante par sa simplicité : fenêtres cintrées, briques cirées au sol, murs chaulés, poutres apparentes. Une clarté monacale sur 2000 m2 qui met d’autant plus en valeur les œuvres exposées. Accrochages invisibles, sans trous dans les murs – label MH oblige. La galerie prend racines dans le terroir et des ailes avec la diversité des artistes exposés : céramistes, peintres, sculpteurs, graveurs, photographes. Des expositions en solo ou en dialogue comme ceux du sculpteur Gérard Fournier, qui travaille le basalte de son Ariège, et le peintre chromatiques Frédéric Dégranges. Ce dernier nous semble un « Bach de la peinture », car il revendique pour ses couleurs alignées et superposées « rythme et répétitions ». « Nous exigeons aussi que l’artiste tient compte de ce lieu », explique Laura Capazza-Durand. La fille des fondateurs a repris la relève avec son mari Denis, musicien, il y a une quinzaine d’années. Elle rend hommage « au courage de ses parents et surtout à l’inconscience farouche » de sa mère sans laquelle la restauration audacieuse de cet ancien corps logis des Ecuyers n’aurait pas été possible. « Elle a dit oui où mon père
s’apprêtait à dire non », sourit-elle. « Par crainte de regretter toute sa vie. » Mais tout reste encore un équilibrisme. « Nous n’avons reçus des subventions qu’une seule fois et ceci après avoir été classé et par ce qu’il fallait écouler des fonds », se rappelle Sophie Capazza, la fondatrice. Et il fallait relancer n-fois l’architecte des Monuments historiques qui trainait avec sa réponse.
En 2025, la galerie fêtera ses 50 ans. Succès et fidélité sont au rendez-vous. Fidélité envers les 90 artistes, inconnus jadis et convoités aujourd’hui. Comme Nathalie Grall excellant dans la gravure d’oiseaux « calligraphiés » et des paysages à minima. Même si le temps manque pour participer aux Art Fairs du monde, la Galerie Capazza ira à Bruxelles pour fêter. Elle recommencerait l’aventure affirme la galeriste. Pour son métier, il fallait « être curieux, courageux et avoir les pieds sur terre ». Sa fille souligne « l’empathie ». Avec son savoir-faire, la galerie soutient la ville de Bourges, capitale culturelle européenne en 2028. Celle-ci a créé jusqu’en septembre un itinéraire d’art contemporain dans onze lieux de la région Centre. La galerie Capazza en fait partie. Elle illustre que l’ancien et le moderne cohabitent très bien si on leur donne l’espace nécessaire. Le reste est une question de mesure et du beau. Bref, du bon dialogue – comme toujours.