Tribune franco-allemande des Parcs, Jardins et Monuments Historiques – Deutsch-Französisches Park-, Garten- und DenkmalMagazin

Yvoire : Le labyrinthe des cinq sens fête ses 25 ans

 

En sortant du gros donjon du village d’Yvoire, juste au bord du lac Léman, rive gauche, à une trentaine de kilomètres de Genève, Anne Monique et Yves Bouvier d’Yvoire m’avaient dit un jour: «  Nous voudrions créer un labyrinthe dans ce jardin et l’ouvrir au public ». C’était l’ancien potager, petite parcelle coudée, de 2300 m², close de murs, 5 m de dénivelé dans le sens de la longueur, avec encore un petit bassin et pas mal d’arbres fruitiers.

Le labyrinthe m’a toujours intéressé pour plusieurs raisons. Comme toutes les parois doivent être exactement identiques, les aveugles s’y retrouvent aussi bien sinon mieux que les autres. Il évacue les règles de la perspective puisque le point de fuite n’y a plus aucun sens. Ainsi il évacue aussi le sens de la vue du projet. On peut donc s’intéresser aux autres sens, toucher, ouïe, goût et odorat. En les utilisant, on donne des repères, ce n’est donc plus un labyrinthe. Faire évoluer les gens dans un interminable couloir de charmes taillés n’est pas suffisant. Si l’on s’en tient à sa nature, le vrai labyrinthe reste toujours semblable à celui de Chartres, un chemin unique jusqu’à l’arrivée, qui s’approche et s’éloigne plusieurs fois du centre. Le retour se contente de prendre l’aller à l’envers.

Il fallait trouver plus complexe. En cachant un second plan dans le schéma général, on construit un dédale, avec au moins trois possibilités à chaque carrefour. Bien plus amusant. Juste enrichir le sujet en incrustant des salons consacrés aux cinq sens. La qualité du jardin dépend de la manière dont on résout le cahier de charge que l’on s’impose. Rééquilibrer la pente un peu trop forte, tout en utilisant le maximum de l’existant, donc garder le bassin et autant d’arbres fruitiers que possible. Raconter une histoire.

A Yvoire, la correction du dénivelé par un muret tiré en plein milieu du site donne une répartition inévitable au dessin. L’entrée se fait par la partie supérieure du potager, à travers plusieurs jardins créés en haut. Le premier évoque la nature du site, une sorte de moraine glaciaire. Le chantier nous le confirma. Le second est une définition symbolique du jardin, un tissage entre une graminée sauvage et un rosier hybride très sophistiqué. Le troisième est un petit cloître de charmes taillés, centré par un bassin flanqué de quatre carrés d’aromates, qui fait référence au château voisin. Ensuite on descend les six marches.

En bas, on explore les cinq sens. L’accès se déroule en plusieurs temps. D’abord, on longe les charmes sans voir. Il faut trouver l’entrée. Une fois franchie, on relonge une haie de fruitiers transparente, jusqu’à trouver le passage. On est dans le jardin du toucher, avec une grande gamme de textures des feuilles, ou du goût, avec une collection de petits fruits, peut être pas assez vu le nombre de visiteurs. Au début, le jardin des parfums était inaccessible au public, havre du seul jardinier ; mais les odeurs circulent dans tous les jardins. Maintenant, il est ouvert. Pour la vue, il s’agit des couleurs. L’eau et les oiseaux sont chargés de l’ouïe. Deux grandes cages sont incrustées dans les haies, et autant de petites fontaines creusées dans des blocs de molasse locale, en haut dans le cloître, en bas calée dans le bassin, au milieu d’une volière pleine d’oiseaux dont le toit reprend les pentes du donjon. C’est le centre du dédale, et personne n’y entre.

Le chantier s’est déroulé de manière exceptionnelle. L’équipe d’André Gayraud, pépiniériste et entrepreneur, était remarquable. Il est rarissime que le maçon sache aussi reconnaître tous les arbres de la pépinière, et tous ses travaux ont pu facilement être affinés sur place, surtout autour de la petite source qui apparaît le long d’un mur d’enceinte. Marc Buffin, chef d’équipe a mené les travaux selon la méthode de l’avancement. Ce qui signifie que chaque soir, dans la partie finie, tous les réseaux sont passés, tout est prêt à planter. On y voit beaucoup plus clair, et c’est plus facile d’improviser en fonction des évènements comme celui de l’énorme caillou surgi en plein milieu des dessins du bas. Enfoui dans le premier du haut, il avait toute sa place dans cette allusion au jardin alpin. Même le climat était de notre côté. Pas une goutte de pluie du premier septembre au 24 décembre, fin des plantations de tous les arbres et arbustes. Puis trente centimètres de neige juste pour la nuit de Noël. Simultanément, les accessoires furent installés et la grange transformée en bâtiment d’accueil.

Retour en Mars pour installer les plantes vivaces et ouverture le premier Avril. Après de nombreux prix et, depuis 2010, le label « Jardin remarquable », le labyrinthe fête ses 25 ans ce printemps 2013.

Alain Richert , Paysagiste, créateur du labyrinthe des cinq sens à Yvoire

Link/Lien : www.jardin5sens.net/

 

MoNo : Comme disent les propriétaires du Jardin d’Yvoire : « Il fallait oser à une époque où, en France, les jardins privés ouverts au public se font encore rares. »
Aujourd’hui, le labyrinthe attend son millionième visiteur. Le jardin des cinq sens est séparé du château dû à un abandon de la propriété de 1793 à 1825. Pendant cette période, les villageois ont pris l’habitude de traverser la propriété, et selon la législation française de prescription trentenaire, cette coutume a fait en sorte que ce passage est devenu une voie publique. Aussi tous les jardins de la propriété sont divisés en trois, dont deux, le potager actuel et le labyrinthe, se trouvent au-delà de la voie publique. Une curiosité législative qu’il faudrait peut-être revoir et adapter en fonction des cas.

25 Jahre « Labyrinth der fünf Sinne » in Yvoire

Am Rande des Genfer Sees beauftragten Anne-Monique und Yves Bouvoir d’Yvoire 1988 den Landschaftsarchitekten Alain Richart, aus ihrem Garten ein Labyrinth zu gestalten. Die Herausforderung war groß, denn der frühere, mauerumschlossene Gemüsegarten mit kleinem Wasserbassin war nur 2300 m2 gross mit einem Terrain, das bis zu 5 Meter Höhenunterschiede aufwies. Alain Richart interessierte sich schon immer für die Gestaltung von Labyrinths. Fluchtpunkte und Perspektiven verloren hier ihren Sinn. Dafür aber werden alle fünf Sinne angesprochen. Auch Blinde können sich in ihnen orientieren. Vorbild jedes Labyrinths ist jenes von Chartres: Ein einziger Weg von Eingang bis zum Ausgang, der sich auf das Zentrum hin- und von ihm wieder fortbewegt. Alain Richart schuf eine zweite Ebene, um das Labyrinth komplexer zu gestalten. Kleine Salons wurden in die Hecke geschnitten und, um die Höhenunterschiede auszugleichen, eine kleine Mauer mitten durch den Garten gezogen. Der Eingang zum Labyrinth befindet sich im oberen Teil, wo mehrere kleine Gärten das Tageslicht erblickten. Sechs Stufen führen in die untere Partie, wo die fünf Sinne angesprochen werden. Zunächst führt der Weg an einer Buchsbaum- und einer lichten Obsthecke entlang. Gleich hinter dem Eingang sprechen verschiedenen Blättertexturen den Tastsinn an, gefolgt von Obstvarietäten für den Geschmack. Der Geruchssinn wird geweckt durch das Parfüm verschiedener Pflanzen und schließlich schmeichelt eine Blumenvielfalt dem Auge. Drei Monate lang, von September bis Dezember, wurde gepflanzt und geharkt und die Scheune zur Eingangshalle umgewandelt. Im März die letzten Pflanzen, im April die Eröffnung und heute, 25 Frühlinge später, krönt das Label „Jardin remarquable“ den Erfolg.