« Avant de rentrer dans un musée, on rentre dans une chapelle » – La chapelle-musée Saint Jean de La Borne, exemple unique dans un débat actuel sur la reconversion des lieux de cultes
Chapelle musée à La Borne © Bettina de Cosnac
Renaud Régnier est, comme tous les bénévoles, un engagé. En tant que vice-président de l’Association du Musée-Chapelle la Borne, ce Normand s’engage dans le Berry avec corps et âme. Il y met son temps libre et toute sa compétence en tant que marchand et historien d’art. Et pourtant… « Nous attirons plus que cinq mille visiteurs par an, même beaucoup plus avec l’exposition actuelle sur Marie Talbot. Cependant les institutions d’État nous refusent des subventions. » Pour quelles raisons ? « Ils veulent qu’on fasse trop de concessions sur notre mission patrimoniale et notre indépendance de fonctionnement. » Ce que Renaud Régnier refuse, car il tient à mettre en valeur les fonds et ressources du village La Borne, village historiquement consacré à la poterie. Quatorze nationalités y vivent, et plus une centaine d’artistes s’y sont joyeusement installés avec leurs ateliers. La chapelle est un lieu d’exposition unique. « Avant de rentrer dans un musée, on rentre
Exposition de la femme potier connue Talbot © B. de Cosnac
dans une chapelle. », précise Régnier qui n’est pas croyant. « Nous n’avons jamais eu d’objets abîmés lors des expositions dans ce lieu petit. » Car les visiteurs sont subjugués, sensibles aux vitraux, à l’autel, la lumière particulière et d’autres réminiscences religieuses (donc le patrimoine immatériel, note de la réd.) et plus respectueux – malgré eux. Par contre, le très beau centre de poterie moderne à côté déplore régulièrement des dégâts. Aussi la chapelle, construite à la demande de sept familles potiers pour le village au 19ème siècle, sert-elle d’exemple dans un débat actuel qui préoccupe la Conférence des évêques de France (CEF). Depuis septembre 2023 à ce décembre 2024, les États généraux du Patrimoine religieux se consacrent à une enquête de terrain pour savoir l’impact des édifices religieux sur la conversion chrétienne, voir le bien être des habitants. Plus de 100 000 édifices religieux sont dans des mains de l’État français. Le Père Gautier Mornas, responsable, entre autres, du patrimoine religieux, déplore : « L’Etat nous a spoilés par deux fois. D’abord lors de la révolution française, ensuite lors de la séparation de l’État et de l’église. » Mais l’État,
L’art mis en valeur à la chapelle. Une influence réciproque. © B. de Cosnac
responsable dès lors de ce patrimoine, traîne à l’entretenir et à le restaurer. Une raison pour la CEF de plaider leur cause, chiffres en main. La Borne musée-chapelle démontre ainsi qu’un édifice ne doit pas forcément être désacralisé pour accueillir d’autres évènements que des cultes. Il suffit aussi de se tourner vers les pays outre-manche ou nordiques qui ont un rapport plus décomplexé et une démarche pragmatique. En Angleterre, les premiers cafés dans les églises ont vu le jour depuis longtemps. En Allemagne, les Kulturkirchen comme celle très active à Cologne ou bien, en Norvège, la Kulturkirke Jakob à Oslo, démontrent allègrement cette cohabitation possible entre le « civil et le religieux ». Elle semble une solution en phase avec l’époque actuelle où l’argent pour le patrimoine manque. Même si en Allemagne « l’impôt d’église » (Kirchensteuer) représente un sacré revenu pour les églises chrétiennes. Des associations se chargent ainsi d’organiser des concerts, des expositions et d’autres évènements où forcément le cadre – majestueux souvent – a un impact psychologique sur ceux qui viennent. Parfois ces associations exigent aussi que les artistes travaillent en dialogue avec les lieux. Recherche faite, il nous paraît que les églises nordiques sont plus décomplexées et alertes par rapport à la reconversion des lieux de cultes à l’architecture souvent grandiose et au travail de construction soigné. Les bâtisseurs d’autrefois, des croyants, y avaient mis aussi leur âme. D’ailleurs, cette reconversion des lieux et ainsi leur survie a également lieu en Suisse. Telle l’église St Paul à Bâle où depuis 2021 une association s’occupe de « la plus belle location » de la ville, un site concurrent 42 autres sites. Même des tournages de films où des cocktails d’entreprises y sont permis. Pour trouer des solutions, l’église chrétienne en France pourrait donc s’inspirer de leurs voisins chrétiens dans leur argumentaire vis-à-vis de l’État français. Une inspiration visant d’ailleurs les deux institutions, religieuse et civile. © Bettina de Cosnac, Ed. et rédactrice en chef de Monumentum Nostrum
« Bevor der Besucher ein Museum betritt, tritt er in eine Kapelle ein » – Die Museumskapelle La Borne ist einzigartiges Beispiel für die Umnutzung von Kirchenräumen in Frankreich
Chapelle St Jean de La Borne © B. de Cosnac
Der Normanne und Kunsthändler Renaud Régnier ist engagierter Vize-Präsident des Museumsvereins « Kapelle La Borne » im schönen Berry. Mit seinen Ausstellungen in der nicht entweihten Kapelle im Töpferdorf La Borne zieht er über fünftausend Besucher jährlich an. Bisher gab es keinen Bruch trotz der Beengtheit der Räume, denn die Besucher, so die Beobachtung des Atheisten Régniers, betreten zuvorderst eine Kapelle, bevor sie ein Museum betreten. Anders als im benachbarten modernen Töpfermuseum, das oft Ausstellungsschäden verzeichnet. Dennoch ist er unzufrieden, denn er erhält keinerlei Staatssubventionen. Die regionalen Stellen würden von ihm verlangen, seine Unabhängigkeit aufzugeben, und eher für Modernes zu optieren statt aus dem Fundus der renommierten Töpferwaren des Dorfes zu schöpfen. Eine erste Tradition gab es bereits im 17. Jh. An die hundert Töpfer(-innen) haben sich erneut nach Kriegsende mit ihren Ateliers niedergelassen. Die Kapelle selbst wurde im 19 Jh. von sieben Töpferfamilien errichtet, zum Unmut der Nachbardörfer. – Das umgenutzte Kapellenmuseum ist einzigartig unter den rund 100 000 sakralen Bauten Frankreichs. Es illustriert eine aktuelle französische Debatte: der Staat vernachlässigt die teils denkmalgeschützten sakralen Bauten für die er seit der Revolution 1789 und erneut seit der Trennung von Kirche und Staat mehrheitlich verantwortlich ist. Ein Grund, weshalb die französische Bischofkonferenz (CEF) seit September 2023 und bis Dezember 2024 eine landesweite Erhebung durchführt, um zu zeigen, welche positiven Einflüsse sakrale Bauten für die Christianisierung (Taufe, Kommunion usw.), aber auch als Rückzugsort für die gestresste Bevölkerung haben. Mit der Umnutzung ihrer Bauten tun sich die französischen Kirchenverantwortlichen jedoch schwer. Anders als die Kirchen in den Nordischen Ländern, aber auch in England und der Schweiz, wo Tee-Cafés entstehen und Vereine sogenannte « Kulturkirchen » betreiben, in denen Kulturveranstaltungen, aber auch andere Events stattfinden können. Sie tragen zum Erhalt der Kirchen bei. Sakraler Einfluss inbegriffen, denn der Kirchenort färbt mit seinem immateriellen Erbe (Kirchenfenster, Altäre, Raumanordnung…) auf die friedlich zusammenkommenden Besucher ab. Frankreichs Kirche sollte sich Nachbars Lösungen vielleicht näher ansehen und offener werden. (©MoNo)