Dossier : Les Monuments Historiques – entre Histoire et Littérature (1)
A l’occasion de la célébration des 70 ans de la Deuxième Guerre Mondiale, Monumentum Nostrum se doit d’en parler comme tous les journaux et magazines, comme tous les confrères, mais pas comme eux. Aussi allons-nous relater en deux volets, des histoires de monuments historiques de cette période, histoires restées familiales ou histoires publiées, car entrées dans la littérature. Nous allons commencer par l’impressionnant château de Sigmaringen, dans l’ancien Land de Bade, où le prince catholique des Hohenzollern a dû héberger, sur ordre de Hitler, des invités français dont son Altesse se serait bien passé.
Sigmaringen, roman de Pierre Assouline, où un château des Hohenzollern entre dans la littérature
La Deuxième Guerre mondiale se (re-)joue dans un huis clos princier
L’écrivain Pierre Assouline ouvre la rencontre en déclarant avec conviction : « J’aime beaucoup l’Allemagne, les Allemands et leur culture. » Prononcées avec empathie, première vertu, dit-il, d’un romancier, ses phrases lui valent d’emblée l’attention d’un public français et la reconnaissance de la seule Allemande présente. L’illustre Goncourt poursuit : « J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce livre. » Certainement il ne l’aurait pas écrit, si la Deuxième Guerre mondiale n’avait pas eu aussi lieu à Sigmaringen, dans cette petite enclave, fief des Hohenzollern catholique, après avoir été épargnée quasiment jusqu’à la fin de la guerre. N’empêche que cette histoire rocambolesque lui trottait depuis vingt ans dans la tête depuis que son ancêtre, le brigadier Marcel Assouline, lui en avait parlé. Mais il lui manquait la perspective pour la narrer. Celle-ci fut trouvée un beau matin dans la personne du majordome Stein. Une triple inspiration tirée de la série anglaise Downtown Abbey, des serviteurs des « Règles du jeu » de Jean Renoir et d’Anthony Hopkins, majordome parfait dans « Vestiges du jour ». Le romancier pouvait donc partir à la rencontre du Prince Karl Friedrich von Hohenzollern, qui lui fit un tour guidé du château et « fief » de la ligne catholique de la dynastie. L’écrivain s’est plongé aussi dans les archives municipales de Sigmaringen.
Julius Stein, le serviteur parfait, neutre, comme il se doit, car au service d’une illustre maison, devient donc le narrateur. Il évoque les six mois de septembre 1944 jusqu’en avril 1945 pendant lesquels le régime de Vichy, ces collabos « plus Nazis que les Nazis », selon Pierre Assouline, étaient logés sur invitation d’Hitler au château de Sigmaringen. Le prince en avait été gentiment délogé et avait trouvé refuge chez des voisins, les v. Stauffenberg.
L’histoire, grotesque, sinistre et bien réelle, se passe principalement dans le château des Hohenzollern au bord du Danube. «On dirait du Viollet-le Duc, mais en pire » s’exclame un protagoniste du roman, aperçevant cet impressionnant monument historique remanié au cours des siècles et, dû à un immense feu en 1893, reconstruit dans un style historisant et éclectique. Ce lieu entre ainsi, malgré lui, dans l’histoire mondiale et aujourd’hui dans la littérature. « C’était parfait » raconte Pierre Assouline « Comme dans la tragédie classique, le château donnait l’unité du temps, du lieu et de l’action. » Un huis clos qui avait l’avantage, par son architecture, d’héberger les invités selon leurs fonctions : une hiérarchisation à la verticale et à l’horizontale, car les trois parties architecturales du château, le Josefbau, le Wilhelmbau et le Leopoldbau, ne jouaient ni du même prestige, ni des mêmes commodités.
Pétain logeait donc au 7ème étage et la Gestapo occupait le rez-de-chaussée. Les autres « invités » français, des prisonniers en réalité , avaient pris leurs quartiers dans les différentes étages, en emmenant avec eux leurs hostilités, leurs disputes et leurs clans. Loin de la France et de la guerre qui se terminait, ils la refaisaient dans cette enceinte princière qu’ils déclaraient « territoire français », y hissant symboliquement le drapeau. Tel était le spectacle de l’ancien gouvernement de Vichy en exil.
Il faut lire ce roman pour mieux comprendre l’absurdité et la petitesse de tous ceux qui attisaient la guerre. Lire pour comprendre aussi, comment un monument historique puisse devenir le lieu idéal pour tisser une intrigue à l’instar des grands classiques et créer un roman aussi vrai que la vie sur fond de toile de la grande guerre du XXè siècle.Pour commémorer la Deuxième Guerre Mondiale, ce château des Hohenzollern offre un lieu spectaculaire et une histoire ignorée par le grand public des deux côtés du Rhin.
Bettina de Cosnac (PhD), Journaliste-Ecrivaine
Dossier : Denkmäler zwischen Literatur und Geschichte (1)
Wie andere Zeitungen, Zeitschriften und Journalistenkollegen, wird auch Monumentum Nostrum an den Zweiten Weltkrieg erinnern. Aber anders als die anderen, beschränken wir uns auf jenen Krieg, der sich in historischen Gebäuden abspielte. Solche Geschichten wurden von den Familien bewahrt oder fanden Eingang in die Literatur. Den Auftakt unserer Serie bildet das beeindruckende Hohenzollernschloss Sigmaringen, im früheren Baden, wo der Fürst auf Befehl Hitlers auszog, um sein Domizil Gästen zu überlassen, die er selbst nie zu sich gebeten hätte.
„Sigmaringen“ (Pierre Assouline): Im Fürstenschloss spielte der Zweite Weltkrieg unter Ausschluss der Öffentlichkeit.
Ein Hohenzollernschloss wird Gegenstand zeitgenössischer Literatur
„Ich liebe Deutschland, die Deutschen und ihre Kultur“, leitet Pierre Assouline im Brustton der Überzeugung unsere Begegnung ein. Mit diesen Worten gewinnt er auf Anhieb die Aufmerksamkeit des französischen Publikums und die Dankbarkeit der einzigen anwesenden Deutschen. „Mitempfinden“, fährt er fort, „ist eine Tugend des Romanschriftstellers. Mit Freude habe ich dieses Buch geschrieben“. Es dauerte aber fast zwanzig Jahre bevor er sich aufraffte, der Erzählung seines Vorfahren, Marcel Assouline, nachzuspüren. Dieser hatte ihm als erster von Sigmaringen und dem Schlossgeschick im Zweiten Weltkrieg berichtete. Was ihm, Assouline, fehlte, war die Erzählperspektive, die er schließlich, eines morgens, in der Figur des Butlers Stein fand. Inspirationsquellen für die Figur waren die Serien „Downtown Abbey“ oder Jean Renoirs Dienstboten oder auch Schaupsiler Anthony Hopkins.
Mit Stein konnte der nunmehr inspirierte Romancier und bekannte Biograf anfangen, in den Stadtarchiven des schwäbischen Sigmaringen zu recherchieren. Karl Friedrich Fürst von Hohenzollern führte ihn persönlich durch den Stammsitz der fürstlich-katholischen Hohenzollern-Linie, um den Stoff des Romans plastischer werden zu lassen. Der Zweite Weltkrieg spielte sich hier, in diesem geographischen Mikrokosmos, auf groteske Weise ab. Das imposante Hohenzollernschloss wurde auf Befehl Hitlers von September 1944 bis April 1945 das Edelquartier für die Vichy-Regierung und Kollaborateure, die „nazigetreuer als die Nazis waren“, wie Assouline hervorhebt. Es war ein Alptraum von Gästen, die sich der Fürst gewiss nicht eingeladen hätte. Aber auch er wurde auf Befehl ins „Exil“ zu den benachbarten Stauffenbergs geschickt.
Das imposante Schloss mit seinen drei verschiedenen An- bzw. Umbauten, Josefbau, Wilhelmbau und Leopoldbau, eignete sich jedenfalls vorzüglich, der Personalhierarchie der Vichy-Regierung Folge zu leisten. Jeder dieser Bauten hatte seine eigene Höhe und eine mehr oder weniger kostbare Ausstattung. „Das Schloss war“, wie einer der Ankömmlinge, architektonisch empfindsam, bemerkte „in der Art eines Viollet-le-Duc, nur schlimmer“. Ein Brand hatte 1893 grosse Schlossteile zerstört. Die Folge war ein Wiederaufbau im Stil des Historismus und Eklektizismus.
Pétain logierte in der siebten und höchsten Etage, die Gestapo im Erdgeschoss. Die übrigen französischen Vichy-„Gäste“ – letztlich Gefangene – verteilten sich entsprechend ihrer Stellung und Clanzugehörigkeit vertikal und horizontal über die Schlossetagen. Butler Stein hatte präzise vorgesorgt… Mit ihren Koffern brachten die Gäste auch ihre alten Gewohnheiten und Animositäten mit. Aus dem Hohenzollernschloss machten sie ein Vichy-Frankreich en miniature, hissten die französische Fahne, führten ihre privaten Kriege untereinander, planten weiter den Weltkrieg, während dieser in der Welt jenseits der Schlossmauern zu Ende ging.
Um das groteske Denken, Handeln und Befinden der Kriegsführer im Zweiten Weltkrieg zu verstehen, gibt der Roman Assoulines beste Ansatzpunkte. Es ist eine wahre Geschichte in einem real existierenden Schloss mit historisch authentisch gezeichneten Persönlichkeiten. Die einzigen fiktiven Romanfiguren sind die Schlossbediensteten. Schloss Sigmaringen ist damit Schauplatz großer Geschichte im Kleinen und einer bis dato noch relativ unbekannten Geschichte präsentiert als Roman.
Dr. Bettina de Cosnac, Journalistin-Autorin
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